Association BASE : Rencontre avec Jocelyn MICHON
Le vendredi 7 février, nous avons participé à une réunion organisée par lassociation BASE à Chambray-lès-Tours. La conférence avait lieu le matin puis laprès-midi nous nous sommes rendus sur une parcelle en agriculture de conservation afin de constater létat des sols.
Conférence « Un sol vivant est un sol performant » présentée par Jocelyn Michon : précurseur du semi-direct au Québec.
Jocelyn Michon est agriculteur au Québec près de Saint-Hyacinthe (à l’est de Montréal) depuis plus de 40 ans. Dès ses débuts dans le monde agricole en 1974, il pratique des méthodes de conservation des sols. 20 ans plus tard, il décide de cesser tout travail du sol pour travailler en semi-direct. En 2003, il entreprend la mise en place de cultures dans l’objectif d’une couverture permanente des sols.
En outre, Jocelyn a récemment participé à la commission sur les pesticides (CAPERN - Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles au Québec) et réalisé un mémoire sur la thématique suivante : l’impact des pesticides sur la santé publique et l’environnement.
Présentation rapide de l’agriculture au Québec
Au Québec, l’année 2019 fut compliquée d’un point de vue météorologique. Un hiver très neigeux, un niveau record de pluie fin avril, un été très chaud (le Québec a connu le mois d’août le plus chaud depuis plus de 100 ans). Enfin, en novembre, de fortes gelées se sont abattues sur la région.
Le Québec compte :
- 2200 fermes
- 3 500 000 hectares en agricole
- 1 000 000 hectares en grandes cultures
Parmi les terres agricoles du Québec, 65% sont laissées à nu contre 35% en conservation des sols.
Concernant les terres de Jocelyn, elles sont composées de 25 à 30% d’argile, limon et résistent bien aux aléas climatiques.
Le Québec a une grande superficie (3 fois la France). En revanche on se rend compte que les terres agricoles représentent qu’une petite partie du territoire. Jocelyn se trouve dans une zone où les terres sont très fertiles.
Jocelyn nous explique sa vision de l’agriculture de conservation
« Avant de commencer à réduire les pesticides, il faut en premier lieu mettre en place des pratiques culturales permettant d’avoir un sol en bonne santé ».
Qui dit un sol en bonne santé dit un sol vivant, c’est-à-dire :
- Un sol qui recycle efficacement les nutriments
- Un sol qui régularise le stockage de l’eau et le drainage (1% de matière organique permet une réserve de 250 000 litres/ha)
- Un sol qui soutient la biodiversité mais aussi l’habitat d’une variété de plantes, d’animaux ou encore de microorganismes
- Un sol qui favorise l’agrégation de ses constituants
- Un sol qui permet la circulation de l’eau et l’air, tout en résistant à l’érosion
- Un sol qui filtre les composés toxiques
Jocelyn évoque une astuce pour quantifier le nombre de vers de terre dans le sol, il faut se référer aux « cabanes » : 10 cabanes/m² équivaut à 100 verres de terres/m²
L’agriculture sur sols vivants consiste en deux points :
1. Le semi-direct sans labour
Un travail en semi-direct aura pour effet d’activer la biologie du sol (vers de terre, bactéries…) mais aussi rétablir les qualités physiques (accumulation de matières organiques, stabilité des sols, résilience, aération des sols, rétention de l’eau…).
Jocelyn explique que le semi-direct permet à la fois une réduction des coûts de production mais également une baisse de la consommation de carburant (32 litres/ha de carburant en semi-direct, contre 92 litres/ha pour du labour), de fertilisant et favorise les rendements. La diminution du parc machine et de la main d’œuvre constituent une économie supplémentaire.
Jocelyn a fait une expérience appelée « salissez vos bobettes » autrement dit le test du slip. Il s’agit d’enterrer un slip en coton à 10cm de profondeur et voir au bout de 2 mois la dégradation de ce dernier.
Dans un sol labouré, on se rend compte que le slip est pratiquement comme neuf (seulement 20% du slip est décomposé), tandis que dans un sol en semi-direct le slip atteint un taux de dégradation de 80% étant donné la bonne activité microbienne présente dans le sol. Ce test prouve la bonne santé du sol.
2. La couverture permanente des sols. En effet pour Jocelyn, « un sol nu est un sol foutu ! ».
Un sol recouvert est égal à 1,5 tonnes/ha de carbone séquestré, à l’inverse un sol nu est égal à 1,25t tonnes/ha de carbone délivré
- Beaucoup d’avantages dans la mise en place de couverts végétaux. Les plantes vont avoir de nombreux effets bénéfiques pour les sols :
- Séquestration du carbone
- Augmentation de la matière organique
- Prévention de la compaction
- Amélioration de la structure
- Réduction de l’érosion
- Captage des éléments fertilisants
- Pompage des minéraux
- Production de carbone
- Augmentation des insectes utiles
- Contrôle des mauvaises herbes
Sa rotation de culture
La rotation est organisée en cinq ans :
Soja – maïs – soja – légumes – maïs.
Pour ses couverts végétaux, il utilise du seigle en combinaison avec ses cultures de maïs et soja
Pour les légumes, Jocelyn utilise un couvert végétal mix composé d’un mélange de graminées, légumineuses et crucifères : féverole, phacélie, lentille, moutarde, trèfle, sarrasin, tournesol, avoine, cameline, lin, etc.
De plus, une fois tous les 4 ans, Jocelyn applique aux alentours de mi-septembre du fumier poulet/dindon qu’il récupère chez l’un de ses voisins et qu’il incorpore dans son couvert mix (composition décrite précédemment). Il faut savoir que 87% du phosphore (élément indispensable à la croissance des végétaux) provient du fumier.
Fin septembre, il procède au roulage des couverts.
Concernant le matériel utilisé :
Jocelyn utilise un semoir Vaderstad Tempo 12 rangs porté pour l’implantation du maïs et du soja. Il a également un semoir à céréales Great Plains.
Et il a fabriqué son propre semoir : un strip till léger. Cet outil sert uniquement lorsque les conditions sont trop mauvaises (humides).
Jocelyn explique aussi adhérer complètement au maintien du glyphosate.
Jocelyn Michon utilise pour ses cultures de soja et maïs : du glyphosate (Round up) et des OGM « Roundup Ready ». Il mentionne en utiliser des petites doses dans l’année pour éviter les mauvaises herbes. Pour lui l’arrêt du glyphosate est impensable, il s’agit d’une nécessité pour faire perdurer sa pratique culturale de conservation et de non-travail des sols.
Pour illustrer sa vision des choses, Jocelyn prend l’exemple des résidus de médicaments que l’on peut retrouver dans certains échantillonnages provenant des cours d’eau. Selon lui, si on devait demander à la population de réduire fortement leur consommation de médicament, les conséquences seraient déplorables si en premier lieu on ne trouvait pas une solution pour améliorer la santé de la population. Pour les sols, c’est la même chose.
« Avant de commencer à réduire les pesticides, il faut en premier lieu mettre en place des pratiques culturales permettant d’avoir un sol en bonne santé ».
En stoppant le travail du sol, Jocelyn a pu faire le constat d’un fort accroissement de l’activité biologique dans ses sols. En laissant les résidus de cultures en surface, il a pu assister à une augmentation marquée de matière organique consistant ainsi un puit de carbone. Jocelyn regrette de ne pas avoir commencé plus tôt la couverture permanente.
Pour Jocelyn MICHON, les outils de travail du sol (le cover-crop, le sous-soleur, la charrue, le cultivateur à dents) sont, pour le monde des organismes du sol, l’équivalent d’un ouragan, d’une tornade, d’un tremblement de terre et d’un feu de forêt se produisant simultanément.
Le 28 novembre dernier, notre équipe sest rendue en Dordogne à Mareuil en Périgord pour assister à une réunion organisée par lassociation BASE (Biodiversité, Agriculture, Sol et Environnement) à laquelle nous adhérons.